jeudi 5 octobre 2017

MÉDECINE DU TRAVAIL : LE REFUS D’ADAPTER UN POSTE ET SES CONSÉQUENCES

MÉDECINE DU TRAVAIL : LE REFUS D’ADAPTER UN POSTE ET SES CONSÉQUENCES

Publié le 04/02/2015 à 11H58


Le fait pour un employeur de refuser d’adapter le poste de travail conformément aux préconisations du médecin du travail et de lui confier (de manière habituelle) une tâche dépassant ses capacités, met en jeu la santé du salarié. Ce refus justifie donc la prise d’acte par l’intéressé de son contrat de travail, mais peut également constituer un harcèlement moral. C’est ce que vient de rappeler la Cour de Cassation. Cass. Soc., 07.01.15, n°13-17.602.
  • Les faits
Engagée à un poste consistant à approvisionner une cabine de peinture, une salariée est mise en arrêt de travail. A l’issue de celui-ci, le médecin du travail la déclare apte à occuper son poste, tout en préconisant d’éviter le port de charges trop lourdes. 
Malgré ces recommandations, l’employeur refuse d’aménager le poste de travail de la salariée, et continue ainsi à lui faire porter des charges excessives. Constatant la dégradation de ses conditions de travail et estimant de ce fait être dans l’impossibilité de continuer son activité, la salariée prend acte de la rupture de son contrat de travail.
Elle saisit ensuite la juridiction prud’homale afin de faire constater d’une part que la rupture de son contrat est intervenue aux torts de l’employeur, et d’autre part que les agissements de l’employeur sont constitutifs d’un harcèlement. 
La Cour de Cassation suit le raisonnement  des juges du fond qui estiment que l’attitude réitérée de l’employeur a entraîné la dégradation des conditions de travail de la salariée et mis en jeu sa santé.Ces agissements justifient donc non seulement une prise d’acte de la rupture du contrat aux torts de l’employeur, mais caractérisent également un harcèlement moral.
  • Le non-respect des réserves émises par le médecin du travail justifie une prise d’acte…
La Cour d’appel commence par rappeler l’étendue de l’obligation pour l’employeur de respecter les réserves émises par le médecin du travail. Il est en effet tenu d’une obligation de sécurité de résultaten matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés dans l’entreprise.
Dans l’affaire, la société estime ne pas avoir manqué à son obligation d’aménagement du poste de travail de la salariée. En effet, la médecine du travail a considéré par deux fois la salariée apte à occuper son poste et des études de poste ont été effectuées à la demande de l’employeur. L’employeur rappelle par ailleurs qu’en cas de désaccord sur la portée de l’avis du médecin du travail, les parties peuvent saisir l’inspection du travail, ce qui n’a pas été fait.
Pour la Cour d’appel, les choses ne sont pas aussi simples. En effet, obliger la salariée à porter régulièrement des charges excessives, était  contraire, au moins pendant un certain temps, aux préconisations du médecin du travail, et nuisible à sa santé. La salariée était donc en droit de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, de demander des dommages et intérêts et d’obtenir des indemnités de licenciement.
  • … et peut constituer un harcèlement moral
Selon le Code du travail, le harcèlement moral se traduit par des agissements répétés ayant pour effet une forte dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (1).
Ainsi, trois éléments sont susceptibles de caractériser le harcèlement : des agissements répétés, une dégradation des conditions de travail, une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à l’avenir professionnel du salarié.
Afin de démontrer le harcèlement dont elle s’estime victime, la salariée a mis en avant le mépris, le manque de considération et les insultes de son supérieur. Sans parler des ordres qu’il aurait donnés au personnel de l’entreprise de ne pas l’aider ou de ne pas lui adresser la parole. Ce ne sont pourtant pas ces allégations, jugées insuffisantes, que la Cour d’appel retiendra pour caractériser le harcèlement moral.
En effet, les juges du fond, après avoir constaté la dégradation des conditions de travail et l’atteinte à la santé physique, vont considérer que le harcèlement est par ailleurs constitué par le refus de l’employeur d’aménager le poste de travail de la salariée.
Le caractère répétitif de l’agissement constitutif du harcèlement moral réside dans la persistance de l’employeur à ne pas vouloir adapter le poste de travail selon les exigences du médecin du travail et à confier de manière habituelle à la salariée une tâche dépassant ses capacités. Les trois éléments constitutifs du harcèlement moral étaient donc bien réunis.
Si cet arrêt illustre l’acceptation large de la notion de harcèlement moral, il faut tout de même noter que les juges ont tenu compte du contexte dans lequel les agissements sont intervenus. Le simple fait de ne pas se conformer aux prescriptions du médecin du travail ne suffira donc pas toujours à caractériser le harcèlement.

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