samedi 10 mars 2012

MERCI GUY !




Papy fait de la résistance

(Chronique du lundi 5 mars 2012 parue dans la presse)

Ce soir-là, je zappais d’une chaine à l’autre, passant de la cohue accueillant Jean Dujardin à Charles de Gaulle comme un quelconque DSK, à un paquebot devenu galère aux Seychelles, quand je suis soudain tombé sur l’image du mot « Résistance » écrit à la peinture rouge sur le goudron d’une allée d’usine, un peu comme les crétins écrivent le nom de leurs héros dopés sur les routes du tour de France.

Je cessais de zapper, me demandant quel démago avait encore pris ce mot en otage comme Christine Boutin, affirmant « j’entre en résistance » avant de redevenir collabo-sarkoziste. Sous le mot résistance, en bas de l’écran je vis s’inscrire : ArcelorMittal Florange. Florange !… c’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi, ça veut dire beaucoup, car c’est là que je fis mes premiers pas sur scène, mais non, je ne fais pas de la promo, c’est juste pour vous dire l’émotion que provoque en moi ce nom : Florange. Je ne suis pas prêt d’oublier ces gens qui vinrent me voir à la fin du spectacle dans la cafétéria du théâtre de la Passerelle à Florange. Leur visage avait la noblesse des humbles, avec ces rides qu’ils n’avaient pas le moyen de botoxer, avec cette marque du casque qui a tracé un labour circulaire sur leurs cheveux. La trace du casque c’est le scalp de la classe ouvrière que volent des actionnaires. Un qui ne risque pas d’être marqué par un casque d’ouvrier, c’est Villepin que j’ai vu l’autre jour, à la télé visiter une aciérie. Il avait coiffé un casque de chantier, mais comme il avait laqué à mort son brushing pour qu’il reste impeccable, le casque semblait flotter dans l’espace à 20 cm au-dessus de son crâne, on aurait cru le gars des Village people déguisé en ouvrier du bâtiment. D’ailleurs, il parait qu’en le voyant déambuler dans l’aciérie, les ouvriers lui demandaient, ils ne sont pas venus les autres du groupe, l’indien, le flic et le cow-boy ? Mais revenons à Florange. Je ne vous fais pas du Zola, car ces gens qui venaient me voir à la cafétéria de la Passerelle étaient heureux. Certes, ils vivent dans un environnement aussi triste qu’un dimanche de Toussaint pluvieux chez Alain Juppé mais chaque week-end, ils venaient dans ce théâtre. Ils me racontèrent Annie Girardot, Jacques Higelin ou Guy Bedos et ils disaient à quel point le lundi matin, à l’heure de l’embauche, dans les fumées des hauts fourneaux, le souvenir des vannes de Bedos les aidait à coiffer leur casque à la con. Mais aujourd’hui, Monsieur Mittal a d’autres projets, et il n’y a plus de lundi matin dans les fumées des hauts fourneaux. Ça signifie que bientôt, il n’y aura plus de théâtre, car comme pour les rides, les dents et les cheveux, les gens de Florange n’auront plus les moyens de s’offrir des soins intellectuels. Ces gens qui avaient la dignité de travailler vont se retrouver sans emploi. Ces gens qui avaient la dignité de se cultiver et de se divertir vont se résigner à regarder TF1 en mangeant des chips de chez Leader Price. J’ai reçu un appel au secours de la Passerelle. Car les salariés d’ArcelorMittal après avoir vu tant de comiques politiques leur faire un numéro de clowns ont besoin aujourd’hui du soutien d’humoristes professionnels. On me dit que tous ceux qui ont été sollicités ont répondu présent, oh bien sûr, vous avez parmi eux quelques rares Tartuffes qui se sont contentés d’un vague sms de soutien dont ils feront grande publicité sur twitter pour remplir leurs salles, mais vous avez les autres, et puis surtout vous avez Bedos ! Guy Bedos qui viendra à plus de 75 piges, rencontrer les ouvriers d’ArcelorMittal (lundi 12 mars prochain). Cet homme-là a joué, il n’y a pas si longtemps, une pièce de Brecht qui s’appelle la résistible ascension d’Arturo Ui. C’était une parabole sur la montée des fascismes, quels qu’ils soient. Bedos va venir à Florange, parce que la mondialisation est la nouvelle forme que prend la bête immonde. Parce qu’il ne veut pas qu’à Florange on puisse dire : quand j’entends le mot culture, je ferme les hauts-fourneaux. Alors, gens de Florange, syndicalistes, ouvriers, employés ou intellectuels (ce n’est pas un gros mot, sauf pour Olivier Py), accueillez Guy Bedos comme il se doit. J’imagine qu’il n’aimera pas le titre de cette chronique qui est j’en conviens, une facilité. Car cet homme n’est pas un papy. Dans son spectacle, il raconte qu’il a pris conscience avec angoisse qu’il pourrait être le père de Christine Lagarde. Avec cette simple phrase, on comprend qui est le papy et qui est la mamie. Bedos n’est pas un papy. C’est un héros. Un héros de la classe ouvrière.

Guy Carlier

P.S. : Comme j’essaie de ne pas faire partie des rares Tartuffes dont je parle plus haut, je m’engage, et c’est la moindre des politesses, à envoyer le montant de la pige de cette chronique aux syndicats d’Arcelor, qui j’en suis sûr, feront le meilleur usage de cette modeste obole.

3 commentaires:

Seb a dit…

Pour vous et tous les gens qui nous soutiennent, un grand merci d'un jeune ouvrier qui aimerait encore croire qu'un espoir subsiste face à la dictature de ces financiers sans âme!

Anonyme a dit…

enfin un qui c est parler concretement merci a vous grand monsieur

Anonyme a dit…

Bravo pour votre courage...
Si tout le monde en avait autant , nous gens du peuple et ouvriers nous n'en serions pas là!!!!
Mais faut se battre!!!
Ici à Paris je parle de vous autour de moi et vous prend pour exemple!!!!
Faites nous signe si vous passez par là , on seras là pour vous soutenir.
BRAVO ET COURAGE.